Titre : Ceux qui nous sauvent
Titre original : Those who save us
Auteur : Jenna Blum
Traductueur : Carole Delporte
Editeur : LGF
Nombre de pages : 603
4ème de couverture : Anna Schlemmer a toujours refusé d'évoquer sa vie en Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale. Trudy, sa fille, n'avait que trois ans lorqu'un soldat américain les emmena avec lui dans le Minnesota, et n'a donc que peu de souvenirs de cette époque. Mais elle trouve, parmi les photos de famille, un cliché la montrant avec sa mère aux côtés d'un officier nazi.
Cet homme était-il l'amant d'Anna?
Est-il son père biologique?
Devenue professeur d'histoire allemande, Trudy veut connaître la vérité et, dans le cadre des ses travaux universitaires, elle recueille les témoignages d'Allemands de Minneapolis qui ont vécu la guerre, tentant ainsi désespérément de faire la lumière sur le passé de sa mère...
Entre l'Amérique d'aujourd'hui et l'Allemangne nazie, un boulversant premier roman sur la culpabilité et la responsabilité individuelle face à l'histoire.
Mon avis : On suit la vie d'Anna, une jeune allemande vivant avec son père ( qui croit en l'idéologie nazie ) à Weimar pendant la Seconde Guerre mondiale, et la vie de Trudy, sa fille, qui presque 50 ans après la guerre, tente désespérément de connaître la vérité sur son père biologique, et sur la vie de sa mère à cette époque. Mais Anna, reste encore hermétiquement fermée. Ainsi, c'est grâce à ses travaux universitaires, et aux témoignages d'allemands ayant vécu la guerre que Trudy trouvera les réponses à ses questions.
1939- Anna rencontre un homme. Le seul homme qu'elle aimera jamais. Mais la guerre les sépare. Et lorsque que son père apprant la liaison de sa fille avec cette homme, il la chasse de la maison.
Anna est alors recueillie par Mathilde, une boulangère.
Là, elle donnera naissance à sa fille, Trudy. Après la disparition de Mathilde, c'est seule qu'elle devra élever Trudy. Pour offrir une vie meilleure à sa fille, elle devient l'amante d'un officier nazi, qui l'humilie, jusqu'à ce qu'elle ait honte d'elle même. Mais elle continue, malgrès tout, pour le bien de sa fille.
La guerre terminée, elle épouse un soldat américain, qui les emmène, elle et Trudy vivre en Amérique.
Anna essaiera de se reconstruire, et d'aimer de nouveau. Chose qu'elle sera incapable de faire. L'Obersturmfuhrer la hantant encore.
J'ai pu voir à quel point une guerre peut changer une personne. Au point où elle ne sera plus jamais comme avant.
J'ai aussi découvert cette guerre sous un angle différent. Je n'avais jamais pensé à la vie des Allemands, et encore moins des femmes Allemandes durant la guerre auparavant.
Ce roman m'a boulversé, empêché de dormir, et m'a fait pleurer.
A lire absolument!
Extrait : "Elles marchent, Anna et Trudy, Anna tenant fermemant la fillette par la main. Elles marchent le long des rues de Weimar, en compagnie des autres Weimariens, tous ceux qui n'ont pas fui dans la panique qui a précédé l'heure zéro. Ils marchent tant bien que mal, hagards, l'estomac vide, mal chaussés ou en simples chaussettes. Mais les Américains qui les entourent, arme au poing, les incitent à avancer, tout comme leurs comparses aux visages de marbre dans le camien qui cahote à côté de la colonne. Le rassemblement s'est opéré tôt le matin, avec une fouille en régle des caves et des greniers. Arrachés à leur petit déjeuner, leur lit ou leur salle de bains, les Weimariens ont été poussés dehors ; traînés par les cheuveux ou à coups de crosse en réponse à leurs protestations. Aussi marchent-elles, Anna et Trudy, parmi les autres femmes, les enfants et les vieillards qui n'ont pas été tués ou déportés. [...] Deux soldats poussent les lourdes portes du camp, puis prennent position chacun d'un côté. Un autre Américain, un homme bien bâti dont l'uniforme est décoré d'un damier de petites barres, s'avance sous la voûte de fer. Avec un regard furieux à la foule apeurée, il débite un petit discours. Il fait un geste en direction du crématorium dont la cheminée est à peine visible à travers les branchages. Tout en essayant de traduire ses paroles, Anna a le sentiment d'être déjà venue à cet endroit. En un sens, c'est la vérité. Ella a souvent imaginé le camp d'après les descriptions de l'Obersturmfuhrer. Ses patrouilles en compagnie de son adjudant et de ses chiens. La course des détenus qui se jettent dans la forêt ardente. Une odeur familière se coule dans le brouillard. Des effluves graisseux écoeurants - ceux du lard grillé sur un feu de camp. L'officier américain conclut son annonce, la bouche tordue de dégoût. Anna s'attend presque à le voir cracher. Mais il se contente de mimer un geste tranchant de la main et les soldats poussent les Weimariens vers les grilles. [...] Un soldat attrape la femme qui est en tête et la tire dans le camp. Elle enfonce ses talons dans la boue, elle s'accroche aux barreaux de la grille, agitant la tête en tous sens. Puis elle repère Anna, qui se rend alors compte qu'il s'agit de Frau Hochmeier.
- Attendez! crie cette dernière
De sa main libre, elle agrippe le bras du soldat.
- Attendez! Regardez! Elle, là-bas, regardez!
Surpris, le soldat se tourne vers Anna.
Les personnes les plus proches de la grille, pressentant la possibilité d'une diversion, font silence, et Frau Hochmeier profite de l'accalmie.
- Pourquoi nous emprisonner? vocifère-t-elle. Nous n'avons rien fait de mal. Nous avons simplement fait ce qu'on nous a dit, en bons citoyens. Ce sont les criminels comme elle qui devraient être enfermés! Comme cette femme là-bas! C'est la putain d'un SS!
Frau Hochmeier désigne Anna du doigt.
- Pendant que nous autres on souffrait pour nourrir nos enfants, elle couchait avec un officier SS. Je l'ai vue. Nous l'avons tous vu!
- C'est la vérité! C'est vrai! braille Frau Buchholtz. Je l'ai vu de mes propres yeux. Enfermez-la dans le camp, elle et celles de son espèce, et laissez-nous tranquilles.
Une clameur s'élève :
- Putain! Putain!
Le soldat semble perplexe. Frau Hochmeier pose un doigt sur sa lèvre inférieure pour imiter la moustache du Furhrer et fait le pas de l'oie. Puis elle montre de nouveau Anna et roule les hanches d'avant en arrière.
- La gamine qu'elle porte, c'est la bâtarde d'un officier SS!
Quelqu'un dans la foule laisse échapper un rire hystérique. Une motte de boue atteint Anna au bras. L'homme handicapé, qui s'est relevé, s'éloigne rapidement sur sa béquille.
Immobile, Anna presse le visage de sa fille contre son sein. Elle pourrait attaquer Frau Hochmeier, répliquer sur le même ton. Elle aussi a agi pour le bien de son enfant. Mais elle est paralysée par la certitude que protester ne lui apportera rien de bon. Elle s'est simplement éveillée d'un cauchemar pour replonger dans un autre."